27 avril 2023

L’innovation agricole : se nourrir de données

Innovation agricole et big data

Qui aurait pu miser sur la puissance du Big Data ou Mégadonnées, de l'analyse avancée ou encore de l'intelligence artificielle à la ferme il y a plus de 10 ans ? 

Certains l’ont fait et en récoltent aujourd’hui les fruits ; c’est le cas de Intelia, une entreprise basée à Joliette qui rayonne sur plusieurs continents grâce à l’analyse de données collectées et modélisées auprès de l’industrie avicole. Capteurs et appareils connectés, gestion des données infonuagiques, analyse prédictive du poids des poulets grâce à la fameuse IA ; la collecte et l’utilisation de données révolutionne la production avicole et plus généralement la production animale. Un succès amplement mérité et bâti sur des années de développement de solutions avant-gardistes et d’analyses de résultats au service de l’exploitant avicole. 

L’AgTech canadienne et mondiale est en perpétuelle évolution, presque quotidienne. Le temps de réaction et d'adaptation des entreprises de l’industrie agricole devient un enjeu tout aussi important que le rendement. Afin d’optimiser ce dernier et de répondre aux nouvelles exigences des consommateurs et des divers enjeux sociétaux auxquels l’agriculture fait face, l’intelligence de marché véhiculée par la veille stratégique augmentée permet de rester à l’affût des innovations, réglementations et données stratégiques propres à une entreprise, à un producteur ou à un organisme afin d’anticiper des menaces éventuelles et de saisir des opportunités. 

Coup de projecteur sur l’un des secteurs de l'AgTech qui est un thème d’intérêt de veille stratégique et qui est devenu une “bonne pratique” incontournable des producteurs agricoles : la collecte et l’analyse de données. 

 

Le Data Point

La collecte et l’analyse de données dans le secteur agricole ont pris un essor considérable ces dernières années. Accompagnant l’innovation d’équipements (robotisation), de méthodes culturales (particulièrement dans l’industrie serricole et toutes ses nouvelles formes), ou encore de solutions innovantes d’irrigation, de traitement, de fertilisation, la collecte de données produit du data point à foison. 

Le point de donnée ou data point est la porte d’entrée. Pris séparément, les data points collectés d’une ferme ou l’exploitation de ces derniers ont peu de valeur. Ce qui leur donne du sens, c’est la mise en relation avec d’autres masses de données collectées combinées surtout à l’accompagnement personnalisé des exploitants/agriculteurs pour réaliser des choix éclairés comme le précise Caroline Forest, V.P. Ventes et marketing de Intelia : “nos clients n’ont pas besoin de plus de data points; ils ont besoin d’une image plus claire, qui vient avec l’analyse et la modélisation dans un contexte précis, défini dans le temps. Il faut également considérer que les data points ne sont pas suffisants pour mener à la prise de décision. Une pointe de température par exemple, sans la donnée de durée, est inutile.”

Un accès maîtrisé à ces données est donc un enjeu prioritaire pour la recherche et le développement dans l’industrie agricole.

 

Les données ouvertes

Nombreux sont les acteurs majeurs du secteur qui militent pour une mise en commun collaborative des données et l’utilisation de plateformes ouvertes à la collaboration : "Si nous parvenons à trouver le bon niveau de normalisation entre les ensembles de données et à créer des normes claires entre les différentes solutions, nous verrons davantage de collaborations en matière de données. Je pense que les données ouvertes (open data) sont l'avenir.” explique M. Baruchi, PDG d’Agmatix.

Quels sont les intérêts du producteur à une telle mutualisation ?

Comme le souligne Caroline Forest : “la collaboration entourant les données ouvertes réduit également le risque pour un producteur d’investir dans une solution innovante, mais trop indépendante, qui évoluera mal et dont il sera prisonnier par la suite. Plusieurs producteurs craignent d’investir ou le font en retard sur d’autres marchés par crainte de faire le mauvais choix de partenaires. Choisir une plateforme ouverte à la collaboration est une manière de « dérisquer » un investissement qui est souvent coûteux pour les « early adopters »” .

Le choix de partenaires est d'autant plus important que la valorisation et la mutualisation des données  que les utilisateurs/agriculteurs doivent, en quelque sorte, céder ou partager (revoir la phrase). Plusieurs entreprises, particulièrement européennes comme AgDataHub, se sont donc lancées dans la maîtrise des données partagées afin que les agriculteurs européens restent maîtres de l’utilisation qui sera faite de leurs informations. Consentements et identités numériques sont les nouveaux mots-clés des défis auxquels fait face l’AgTech canadienne. 

L’une des réponses à la problématique réside peut-être dans la création de centres de données maîtrisées et partagées soumis à une autorité afin de développer un accès facilité au développement, entre autre, de nouvelles pratiques agronomiques de précision ; les nouvelles générations d’agriculteurs y sont plus sensibles que leurs prédécesseurs et sont prêtes à y investir des efforts et des moyens si la promesse de données exploitables  est tenue avec un retour sur investissement potentiel. Selon Ingrid Peignier, chercheuse au CIRANO de Montréal, “les données agricoles sont l’actif de demain sur les fermes”. 

Microsoft, Google, John Deer, Telus Ag et ses rachats en rafale d’entreprises du secteur ont pris une longueur d’avance sur ce trésor numérique.

 

L’intelligence collective et maillages au service des partenariats locaux 

L’avenir de l’Agtech passe, sans aucun doute, par le maillage des acteurs locaux qui composent le secteur et leurs capacités de collaboration dans l’innovation. 

“Ce que nous voyons, c’est l’émergence de partenariats locaux où producteurs et acteurs de la chaîne de valeur, comme l’abattoir et la meunerie, qui collaborent et compensent financièrement le producteur pour avoir accès aux données en temps réel. Ce faisant, l’abattoir et la meunerie sont en mesure d’optimiser leurs opérations et le producteur bénéficie de cette collaboration. Au Canada, et en production avicole plus particulièrement, la durabilité de la chaîne dépend de l’efficacité de chaque maillon. Le partage des données et la transparence que cela apporte favorisent une plus grande productivité pour tous.” conclut Caroline Forest.

La veille stratégique accompagnée de l'intelligence collective offrent la possibilité de maximiser les informations collectées permettant de constituer un cadre propice pour une collaboration et un engagement plus riches entre les différentes parties dans de nombreux secteurs, l'agro-industrie en est un majeur.